• ~ BARBEY D’AUREVILLY ET L’EGLISE SAINT-MALO DE VALOGNES

     

    BARBEY D’AUREVILLY ET L’EGLISE SAINT-MALO DE VALOGNES

     

    Lors de ses séjours dans le Cotentin, Barbey fréquentait assidûment l’église Saint-Malo de Valognes, située à seulement 300 pas de sa demeure à l’hôtel de Grandval-Caligny. Mais entre religion, souvenirs mélancoliques, charme féminin et considérations politiques, rien n’est jamais simple avec les motivations du « Connétable des Lettres »… Il faut toutefois lui reconnaître un mérite : la sincérité !

    Illustrations :

    -La « petite porte basse » de l’église Saint-Malo à Valognes, évoquée par Barbey dans la nouvelle A un dîner d’athées : est-ce celle-ci ? (photo Julien Sapori).

    -L'église Saint-Malo de Valognes " plus basse que le pavé de la place sur laquelle elle est bâtie " (Barbey d'Aurevilly) - (photo Julien Sapori). 

    -Un mendiant normand à la fin du XIXème siècle (coll. part.).

     

     

     

     

    Le dimanche 11 décembre 1864, Barbey se rend à la messe dans l’église Saint-Malo de Valognes. « Pendant cette messe, qui ne me comptera guère pour le Paradis, j’ai senti monter en moi un flot de sensations inexprimables, exaspérées par le sentiment des choses finies ». Or non seulement cette messe « ne comptera guère pour le Paradis », car Barbey avoue avoir passé son temps à chercher du regard des silhouettes de jolies femmes, mais, en plus, il est déçu, car sa quête est restée sans résultats : « Vu une foule sans visage dans l’église ; pas une femme passable là où, aux messes de midi de ma jeunesse, j’en avais vu quatre-vingt plus roses et épanouies (…) les unes que les autres ». Finalement, il parvient à dénicher une jeune femme qui, certes, présente « un ventre de biche, et l’air assez biche », mais gâché par « un profil chiffonné sortant d’un gros chignon, et ratatiné par son odieux petit chapeau rond. Voilà tout, bon Dieu ! » (Cinquième memorandum). Horrible mâle ce Barbey, que Sandrine Rousseau et d’autres militantes post-féministes souhaiterait effacer définitivement de l’histoire de la littérature mais qui, finalement, en véritable dandy qu’il était, est davantage sévère avec la manière de s’habiller qu’avec le physique de la dame en question ; circonstance atténuante ou pas ? 

    Comme toujours, mysticisme et sensualité se mêlent de manière inextricable chez Barbey, faisant de lui un écrivain finalement assez peu « catholique ». Son inspiration, il la trouve davantage dans les souvenirs que dans la religion : et pour lui, l’église Saint-Malo est si bien ancrée au fond de sa mémoire, qu’elle en devient presque un personnage. 

    Dans sa nouvelle A un dîner d’athées (figurant dans Les Diaboliques) il ne la mentionne pas, mais sa description est si précise qu’aucun doute n’est possible.  « Quand il entra dans ce lieu, qu’il avait probablement désappris, fut-il frappé de l’aspect presque tombal de cette église, qui, de construction, ressemble à une crypte, car elle est plus basse que le pavé de la place sur laquelle elle est bâtie, et son portail, à escalier intérieur de quelques marches, plus élevé que le maître-autel ? ». Si l’intérieur de l’église Saint-Malo est, de nos jours, profondément changé en raison de sa restauration (on devrait plutôt écrire de sa « reconstruction ») effectuée à la suite des bombardements qu’elle avait subi en juin 1944, elle reste toujours située « plus basse que le pavé de la place sur laquelle elle est bâtie ». (…) On peut aussi reconnaître sans difficultés la petite porte latérale par laquelle Mesnilgrand sort, discrètement : « Et il doubla le pas, enfila, suivi de l’autre, la petite porte basse, et quand, dehors et à l’air libre de la rue, ils eurent pu reprendre la plénitude de leur voix » (Barbey d’Aurevilly, « A un dîner d’athées »). 

    Ce qui de nos jours a, aussi, changé, c’est la disparition des mendiants à la sortie des églises. « En sortant de la messe, comme il y a encore des pauvres à Valognes (reste de l’aristocratie et de mœurs anciennes), j’ai pu faire l’aumône à la porte de l’église », écrit-il dans le même Memorandum. Générosité chrétienne ? Une fois de plus, pas tout à fait puisque, avec sa sincérité habituelle, Barbey précise qu’il l’a fait « avec plus d’impertinence pour les bureaux de bienfaisance que de charité ». Pour lui, faire l’aumône c’est une manière de « faire la nique » à la générosité organisée. Nul doute qu’en 1945 il se serait opposé à la création de la Sécurité Sociale !

                                                                                 Julien SAPORI


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