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    Pourquoi un blog dédié à Jules Barbey d'Aurevilly ?

    Si on fait foi aux critiques et commentaires d'un grand nombre de ses contemporains, le « Connétable des lettres » aurait dû disparaitre depuis longtemps de l'horizon littéraire. Tout paraissait le destiner à cet oubli : son excentricité irritante de dandy, ses prises de positions politiques prônant un royalisme figé et archaïque, sa religiosité fondée davantage sur la doctrine que sur la foi, ses écrits d'éditorialiste farouchement critiques vis-à-vis de Victor Hugo et Flaubert... Cet éternel révolté, cultivant la contradiction et, souvent, l'excès, faisait figure, vraiment, d'homme du passé, et se revendiquait d'ailleurs comme tel.

    Baudelaire, Huysmans puis Proust ont été parmi les premiers à rendre hommage à son talent. Si, en tant que journaliste, ses jugements sont tranchés et sans doute excessifs (voire outrageants), le romancier est plein de nuances, comme sa Normandie natale : avec lui, si tout est suggéré, rien n'est sûr. Les passions qu'il évoque peuvent conduire à l'abîme, mais tout en étant crédibles et captivantes, restent mystérieuses et se prêtent à des analyses psychanalytiques qui, à son époque, n'étaient guère encore envisageables. « Ce qu'on ne sait pas centuple l'impression de ce qu'on sait », écrivait-il dans Le Dessous de cartes d'une partie de whist : du Freud avant la lettre. « Lord Anxious », comme l'appelaient ses amis, a su transposer dans ses écrits les angoisses, les hantises, la solitude et l'incommunicabilité contemporaines, avec un style d'une richesse sans pareille.

    Oui, Barbey d'Aurevilly est plus que moderne : il est actuel. Et c'est avec raison qu'en 1964 il a fait son entrée dans la Pléiade.

    Ce blog n'a pas été conçu simplement pour lui rendre hommage. Celui qui, sa vie durant, s'est moqué de l'Académie Française et des honneurs, qui a sacrifié son bien-être matériel à la sincérité, qui s'est dévoilé sans concessions dans ses Memoranda, n'aurait pas supporté d'être « statufié ». On s'efforcera donc de le connaître et de le faire connaître sous tous les angles, qu'il s'agisse de son génie comme de ses défauts. La complexité du personnage et de son œuvre non seulement le mérite, mais l'exige.

    Julien SAPORI

  • "LE RIDEAU CRAMOISI" DE BARBEY D'AUREVILLY AU PROGRAMME DU CONCOURS D'ENTREE DE L'ECOLE NORMALE SUPERIEURE

    Aujourd'hui, 1 mai 2024, on a accueilli à l'hôtel Grandval-Caligny une classe préparatoire du lycée Lakanal de Sceaux, accompagnée par son enseignant, qui souhaitait visiter les lieux où Barbey d'Aurévilly avait apporté la dernière touche à ses Diaboliques et, plus particulièrement, rédigé Le Rideau cramoisi. Ils étaient une quinzaine d'élèves, en grande majorité des filles, tous très attentifs et intéressés par la découverte des lieux et les explications qui leur ont été fournies. 
    C'est ainsi qu'on a appris, (un peu en retard...) que cette année le concours d'entrée à l'ENS (Ecole Normale Supérieure), spécialité lettres modernes, intitulé du programme : "Femmes diabolisées", portait sur Les Diaboliques de Barbey d'Aurevilly.
    Oui, le "Connétable des Lettres" est toujours d'actualité... et même de plus en plus !
                                                                        Julien SAPORI
                                                                         


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    DANS LE DISCOURS PRONONCE’ PAR FRANCOIS SUREAU LORS DE SON INTRONISATION A L’ACADEMIE FRANCAISE LE 3 MARS 2022, IL ETAIT QUESTION DE BARBEY D’AUREVILLY 

     

    A l’occasion de son intronisation à l’Académie Française au fauteuil précédemment occupé par Max GALLO, l’avocat et romancier François SUREAU évoque, entre autres « immortels », BARBEY D’AUREVILLY.

     

    Illustrations :

    -Intronisation à l’Académie Française, le 3 mars 2022, de M. François SUREAU (coll. part.). 

    « Mesdames et Messieurs de l’Académie,

    Avant de m’asseoir parmi vous, suprême récompense des talents incertains d’eux-mêmes, laissez-moi rester quelques instants debout parmi les vivants et les ombres. Aux vivants je dois ce remerciement que je ferai tout à l’heure. Quant aux ombres, je voudrais faire apparaître, bien sûr, celle de LA FONTAINE, qui fut un moment avocat à Paris et reste à jamais le plus vivant d’entre nous, lui qui dormait vingt heures sur vingt-quatre et ne se réveillait que pour la poésie et pour l’amour ; mais l’ombre aussi de CHATEAUBRIAND exposé pour toujours au silence et au vent de la mer, et celle de Deniau revenant du Panshir, et celle de Jean D’ORMESSON parlant d’AUGUSTIN avec Ayyam WASSEF, et j’étais ébloui, et cet éblouissement n’a pas cessé. Je m’en serais voulu d’annexer ainsi, à l’instar d’un député des candidatures multiples, d’autres fauteuils que le mien, si je ne m’étais souvenu que l’Académie, c’est une Compagnie dans laquelle on entre, et non une circonscription dont on hérite. Qu’elle soit aussi la Compagnie des morts a tout pour me réjouir. Plus qu’à BARRES, dont le délire antisémite ne parvient cependant pas à faire oublier ni ce qui l’unissait à PROUST, ni l’amour d’Aragon, je pense aujourd’hui à Hugo, qui a souffert pendant vingt ans sur son île de voir la police partout et la justice nulle part ; HUGO, l’inlassable avocat des États-Unis d’Europe et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ; HUGO auquel mon prédécesseur à ce fauteuil a peut-être consacré son plus beau livre et qui écrit dans ’’Les Châtiments’’ un vers que nous ne devrions pas pouvoir lire aujourd’hui sans frémir : ’’Ma liberté, mon bien, mon ciel bleu, mon amour - Tout l’univers aveugle est sans droit sur le jour’’. 

    Oui, il fait bon évoquer ces ombres, et avec elles ce combat inconnu du reste du monde où s’unissent les espérances de Louise MICHEL et celles d’Armand de LA ROUERIE, celles d’André BRETON et celles de BARBEY, dans le refus obstiné d’un ordre des choses auquel on ne mettra jamais assez d’italiques ; refus qui, on le sait bien, trouve son origine dans l’enfance, dans les sortilèges de l’enfance, vite détruits par le poids des regrets et le scintillement des carrières ».  

    Certaines de ces « ombres » du passé mentionnées par M. François SUREAU nous les avons souvent évoquées dans ce blog dédié à BARBEY D’AUREVILLY, qu’il s’agisse de Victor HUGO (que BARBEY détestait) ou de PROUST (qui rend hommage au « Connétable des Lettres » dans A la recherche du temps perdu). En dépit de la critique aussi féroce que brillante de l’Académie Française qu’il avait formulé dans un article publié en 1864, Les 40 médaillons de l’Académie, on peut donc constater que BARBEY y est donc encore bien présent au XXI siècle… spirituellement. Le « Connétable des Lettres » est devenu, lui aussi, d’une certaine manière, un « immortel » ! 

    PS. Merci à M. Jacques BESNARD pour nous avoir signalé cet évènement.  

     

                                                                                           Julien SAPORI  

     


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    QUELQUES MOTS SUR LA DISPARITION D’UNE FIGURE AUREVILLYENNE…

     

    Illustration :

    -Les obsèques de M. Joël Dupont à Saint-Sauveur-le-Vicomte, 23 janvier 2024 (photo Maud Fauvel).

     

    M. Joël DUPONT, en ce « crachineux » après-midi de janvier, vient de partir vers d’autres horizons plus lumineux que notre beau Cotentin (en existe-t-il ?), entouré de l’affection de ses proches et d’une bonne centaine d’amis et connaissances. Chose rare, il a obtenu le privilège d’être inhumé aux côtés de son plus cher ami disparu en avril 1889, son grand BARBEY d’AUREVILLY.

    Le Chevalier des arts et des lettres repose donc désormais à quelques mètres du Connétable des Lettres, quoi de plus beau comme reconnaissance pour un homme qui a passé une bonne soixantaine d’années dans la confidence du grand écrivain normand scandaleusement digne et outrancier. Le discret Joël s’en est allé sans saluer les amis plus lointains qui auraient eu honneur à le fréquenter…

                                                                                     Maud FAUVEL

     

     

     

    JOEL DUPONT A REJOINT

    BARBEY D’AUREVILLY

     

    23 janvier 2024 : les obsèques à Saint-Sauveur-le-Vicomte de Joël Dupont, un grand spécialiste et amateur de Barbey d’Aurevilly, enterré à côté du « Connétable des Lettres ».

     

    Illustration :

    -La cheminée située dans l’appartement de Barbey d’Aurevilly, à l’hôtel Grandval-Caligny, Valognes (photo Julien Sapori). « Rêvassé au coin du feu, l’âme pleine des choses mortes et des personnes mortes » (Barbey d’Aurevilly, Cinquième Memorandum).

     

    Pour rédiger mon article précédent, publié dans ce blog le 20 janvier 2024 et intitulé « Barbey d’Aurévilly et l’église Saint-Malo de Valognes », j’avais exploité, entre autre, le Cinquième Mémorandum écrit par Barbey à l’occasion de son séjour, en décembre 1864, à Saint-Sauveur-le-Vicomte et à Valognes. Ce séjour fut, pour Barbey, funèbre : hanté par les souvenirs de sa jeunesse et emporté par une irrésistible vague de mélancolie, l’écrivain pensait constamment à la nostalgie, à la solitude, à la mort. A la mort, car quand on « tisonne dans le passé, [dans] cette cendre », tout devient irréel, et il a l’impression d’être devenu lui-même un spectre du passé parmi les vivants. « Alors il me prit d’aller faire un pèlerinage nocturne à tous les coins de Saint-Sauveur » raconte-t-il, « et de revoir cette bourgade, qui n’est plus qu’un fantôme pour moi, à la lumière des fantômes. Ma rôderie de revenant a été solitaire ». 

    Dans l’article en question, j’avais cité plus particulièrement sa description de la messe que, le 11 décembre 1864, il avait suivie dans l’église Saint-Malo à Valognes, et à l’occasion de laquelle ses pensées s’étaient égarées dans la contemplation d’une jeune femme « ventre de biche et l’air assez biche » messe qui, il l’avoue, « ne comptera guères pour le Paradis » ; on comprend…

    En lisant ces pages (à mon sens parmi les plus belles de ses Mémoranda), je m’étais attardé sur une phrase que j’avais trouvé particulièrement émouvante : « Revenu – revassé au coin du feu, l’âme pleine des choses mortes et des personnes mortes – Il n’y a que la mort qui soit vivante dans ce singulier monde qu’on appelle la vie ! » (9 décembre 1864). Ma mémoire l’avait retenue, mais je n’aurais jamais pensé qu’elle serait, d’une certaine manière, devenue « d’actualité » quelques jours plus tard. Et pourtant…

    Aujourd’hui, 23 janvier 2024, à 14h30, je me suis rendu aux obsèques de M. Joël Dupont. Né à Saint-Sauveur-le-Vicomte, il avait fait ses études au collège de Valognes avant de les poursuivre à Caen puis de passer l’agrégation d’anglais à Paris. Enseignant, il avait été nommé au collège Stanislas de Paris, puis à l’université de Caen. Les chassés-croisés entre sa vie et celle de Barbey d’Aurevilly sont tellement nombreux qu’ils pourraient paraître improbables ! Également élu municipal de Saint-Sauveur-le-Vicomte pendant des décennies, M. Dupont s’était occupé plus particulièrement du musée Barbey d’Aurevilly. Je regrette de ne pas avoir pu faire sa connaissance… mais ce n’est pas de mon fait.

     

    Son parcours le destinait à être enseveli dans le petit cimetière, situé aux pieds des remparts du château, où repose aussi le « Connétable des lettres » ; ce qui a été fait. Je ne me suis pas senti assez « légitime » pour jeter des pétales sur son cercueil, mais j’ai écrit sur le registre des obsèques cette phrase de Barbey qui, depuis quelques jours, me hantait : « Il n’y a que la mort qui soit vivante dans ce singulier monde qu’on appelle la vie ». Puis, « c’est en silence que nous avons quitté, nous aussi, le petit cimetière, comme si nous avions craint de réveiller les cendres et de voir surgir du tombeau celui qui sut unir la tendresse du cœur à la fierté du conquérant nordique, la grandeur magnanime à la souffrance du génie méconnu, et qui crut toujours, en dépit des déceptions qui assombrirent sa longue existence, qu’il n’était jamais nécessaire d’espérer pour avoir le courage et la fermeté d’entreprendre » (Jean Gautier, Barbey d'AurevillySes amours, son romantisme, 1961).

                                                                               Julien SAPORI

     


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  • Les deux animateurs du blog

    Julien SAPORI, né à Trieste (Italie), ancien commissaire de police, est historien spécialisé dans l'histoire de l'Italie et de la justice. Il a découvert BARBEY d'AUREVILLY lors de son affectation dans la Manche de 2013 à 2016, et depuis 2021 ne le quitte plus. Il a présenté et commenté pour les Editions LAMARQUE "Le Rideau cramoisi", la célèbre nouvelle de BARBEY d'AUREVILLY publiée en 1874 et interdite par une décision de justice en raison de sa prétendue immoralité. Il vient également de publier un petit opuscule sur un sujet inédit "Jules Barbey d'Aurevilly et l'Italie", toujours aux éditions LAMARQUE.

    Maud FAUVEL, originaire de Normandie et vivant dans l'ancien hôtel particulier - un peu abîmé dit-on, mais il ne tient qu'à nous d'en faire une merveille - de Grandval-Caligny (demeure de l'écrivain Jules Amédée BARBEY d'AUREVILLY de 1872 à 1887), auteur et pigiste, s'est lancée dans l'écriture après des études d'histoire et d'archéologie. Elle a mis en place un fonds de dotation "Les Printemps de Grandval-Caligny" pour sauvegarder la vénérable demeure et en faire un lieu culturel original.

    facebook.com/lesprintempsdegrandvalcaligny

    http://lesprintempsdegrandvalcaligny.tumblr.com


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